Tour de Babel...

La winner attitude, version Froome

Chris Froome a gagné le Tour de France, pour sa troisième participation à la course, à l'âge de 28 ans. Nous sommes bien loin des records de précocité ou des victoires inattendues. La consécration de Froome respecte une certaine logique, elle est pourtant construite sur un scénario de rupture, y compris avec la stratégie conservatrice que l'équipe Sky avait appliqué pour Bradley Wiggins un an plus tôt. Dominateur comme doit l'être un grand favori du Tour, il a su ajouter du tempérament à son périple, en attaquant plus que nécessaire, animé par le sens du spectacle et le goût de la confrontation en montagne. La posture conquérante de « Froomey » répondait et/ou accompagnait la rébellion incessante de ses rivaux, qui n'ont jamais été assombris par la résignation.

Face à la supériorité et à l'autoritarisme, Alberto Contador et ses coéquipiers  chez Saxo-Tinkoff ont été les plus assidus pour tenter de forcer le destin. Porté sur l'offensive de façon de plus en plus nette, l'ancien vainqueur a opté pour la prise de risques, quitte à se faire éjecter du podium en fin de Tour. Si l'Espagnol n'a jamais abdiqué, il a tout de même montré des limites qui compromettent le retour du « Pistolero ». Mais la 4ème place de Contador reste de loin la meilleure des anciens vainqueurs présents sur la Centième. Encore plus sévèrement touchés par la percée de la nouvelle génération, Andy Schleck et Cadel Evans achèvent respectivement la course en 20ème et en 39ème position du classement général. Toutefois, les « anciens » ont placé dans le money time un représentant sur le podium, puisque Joaquim Rodriguez, du haut de ses 34 ans, a gagné 7 rangs en 6 étapes pour aller chercher la 3ème place.

La révélation Quintana… et un avenir américain

Le match s'est joué à distance de Froome. Pourtant, le vainqueur de la bataille pour la 2ème place a contribué à donner au millésime 2013 les caractéristiques d'un tournant de génération. Nairo Quintana, vêtu d'un maillot à pois conquis au Semnoz, dans le plus pur respect de la tradition des grimpeurs colombiens des années 80, a aussi pris rendez-vous pour continuer de jouer les premiers rôles dans l'avenir. C'est peut-être face à Froome que le maillot blanc aura à en découdre dès l'année prochaine sur les routes du Tour.

Le continent américain s'est aussi découvert de nouvelles perspectives sur son versant nord. Pas avec Tejay Van Garderen, nettement en retrait par rapport à 2012, mais avec Andrew Talansky. Le coureur de Garmin-Sharp, malgré une défaillance dans l'étape de Bagnères-de-Bigorre qui lui a coûté près de sept minutes,  termine son premier Tour en 10ème position, la deuxième du classement des jeunes. Dans cette hiérarchie spécifique, il devance le Polonais Michal Kwiatkowski, également porteur d'un message pour l'avenir, pour peu qu'il améliore sa résistance en montagne en troisième semaine. A 23 ans, tous les espoirs sont permis.

Sagan maîtrise le vert

Vingt-trois ans, c'est également l'âge de Peter Sagan, qui ne cultive aucune ambition au classement général, mais qui campe de mieux en mieux le personnage de l'homme en vert. Le coureur slovaque a saisi toutes les subtilités du classement par points, et termine l'édition 2013 avec près de 100 points d'avance sur Mark Cavendish, et une seule étape remportée contre trois en 2012. Avec une pointe de vitesse très légèrement inférieure aux tout meilleurs sprinteurs, Sagan a dû éliminer par anticipation ses adversaires en menant, avec ses coéquipiers de Cannondale, un remarquable coup de force sur la route d'Albi, pour aller chercher son unique bouquet de l'année sur le Tour.

Dans le même style, mais sur terrain totalement plat, Mark Cavendish a lui aussi pris une option stratégique lorsqu'il a senti que la puissance commençait à lui faire défaut face à Kittel ou Greipel. L'ancien champion du monde, aidé par l'ensemble de son équipe Omega Pharma Quick Step, a exploité les vents latéraux qui soufflaient sur la route de Saint-Amand-Montrond afin d'éloigner ses rivaux avant l'heure. La bordure, qui a ensuite été relayée par la formation Saxo-Tinkoff, a permis à Cavendish d'égaler André Leducq avec 25 étapes dans sa musette, et donné corps à un morceau de cyclisme de toute première qualité : une étape de montagne… mais en plaine !

Kittel, de la première à la dernière

La plaine, c'est par vocation le domaine des sprinteurs, où l'atmosphère de la relève se fait également sentir. Mark Cavendish a certes continué d'écrire l'histoire en ajoutant deux lignes à son palmarès, mais il a aussi subi durement la loi du nouveau venu sur les dernières lignes droites : Marcel Kittel. Malade sur le Tour 2012, le colosse allemand avait différé ses ambitions sur la Centième… dont il a porté le premier Maillot Jaune, en plus du bonheur de connaître la victoire à Bastia. Le leader d'Argos-Shimano a ensuite fait parler sa puissance à Saint-Malo au pied des remparts de la cité corsaire, à Tours dans une des capitales du sprint, et surtout à Paris. Sur les Champs-Elysées, Kittel a dominé un sprint à la fois disputé et académique dans lequel Mark Cavendish, pourtant idéalement placé, n'a jamais été en mesure de déclencher l'accélération qui le rendait quasi-imbattable.

Les temps ont déjà changé. Avec ses quatre étapes pleines de promesses, Marcel Kittel pèse lourd dans la victoire de l'Allemagne au « tableau des étapes ». Avec la victoire de Greipel à Montpellier, puis celle encore plus héroïque de Tony Martin sur le contre-la-montre du Mont-Saint-Michel, le compteur grimpe à six. Au deuxième rang des nations, l'association Froome-Cavendish, bien qu'ils ne soient plus membres de la même équipe, rapporte tout de même cinq succès au Royaume-Uni. En queue de peloton, la délégation française évite l'humiliation grâce à la victoire aussi spectaculaire que prestigieuse de Christophe Riblon dans le final de l'Alpe d'Huez. C'est un peu mieux que les Espagnols, qui n'avaient plus quitté le Tour « Fanny » depuis 15 ans… mais qui place quatre coureurs dans le Top 10 final (Rodriguez, Contador, Valverde, Navarro).

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