Au-delà du succès de Tadej Pogacar, le millésime 2025 a été sublimé par des animateurs de premier rang sur tous les terrains, de la bataille pour le podium entre Florian Lipowitz et Oscar Onley à celle des sprinteurs entre Jonathan Milan et Tim Merlier, en passant par les coups de force de Mathieu Van der Poel et Wout van Aert, la chasse aux pois de Lenny Martinez, les échappées chevaleresques de Ben Healy ou les raids solitaires des Australiens Ben O’Connor et Kaden Groves. Panorama incomplet des épisodes marquants pour les différents enjeux du Tour…
Podium final : les promesses tenues de Lipowitz
Si l’emprise de Tadej Pogacar sur le sommet du classement général et l’impossibilité actuelle de Jonas Vingegaard à lui tenir tête sont incontestables, il est tout aussi avéré après trois semaines de course que le deuxième meilleur coureur du monde n’a connu aucune concurrence à ce poste ! Hormis Pogacar, Miguel Indurain et maintenant le champion danois, aucun autre coureur dans l’histoire du Tour n’a aligné une série de cinq éditions consécutives terminées dans le trio de tête. Autrement dit, la lutte pour le podium a bel et bien eu lieu, mais elle n’a concerné que la troisième marche. Cet état de fait a pu être observé et presque accepté de tous dès le verdict du chrono de Caen et plus encore après l’étape d’Hautacam. Il restait alors à départager les candidats à un honneur qui semblait promis comme l’année précédente à Remco Evenepoel.
Matteo Jorgenson et Joao Almeida ont donné l’illusion qu’ils seraient partie prenante dans ce match, mais ont finalement laissé malgré eux cette bataille à la jeune génération. Le champion du monde du chrono a utilisé la méthode Coué pour croire à cet objectif, mais a renoncé juste avant la sortie des Pyrénées, alors qu’il occupait précisément le prestigieux strapontin. Le duel s’est alors assez clairement engagé entre Florian Lipowitz et Oscar Onley. Et le coureur allemand a été bien au-delà des promesses formulées sur Paris-Nice (2e) et sur le Critérium du Dauphiné (3e) en élevant encore son niveau pour sa première participation au Tour. Menacé à 22’’ par le tout jeune Ecossais de 22 ans après avoir pris quelques risques sur l’étape du col de la Loze, Lipowitz a su rétablir la situation en montant à La Plagne, où son rival se retrouvait relégué à plus d’une minute. L’examen du Top 10 final révèle par ailleurs la présence de 4 autres coureurs intronisés cette année dans cette élite : Tobias Johannessen (6e), Kévin Vauquelin (7e), Ben Healy (9e) et Jordan Jegat (10e).
Maillot vert : Milan, puissance et méthode
Jonathan Milan a su faire le vide autour de lui et profiter des circonstances qui l’ont aidé à éliminer ses rivaux. Alors que Biniam Girmay a évolué en retrait de sa prestation 2024, Jasper Philipsen a en revanche démarré en fanfare, s’emparant du Maillot Jaune à Lille et portant ensuite le vert le jour d’une chute fatale à ses espoirs. Chez Alpecin-Deceuninck, Mathieu Van der Poel aurait aussi pu faire un sérieux candidat au maillot vert s’il y avait mis un peu plus d’implication et si, bien entendu, il n’avait pas quitté le Tour malade. Pendant ce temps, le leader des Lidl-Trek a parfaitement saisi les subtilités du classement de la régularité et en particulier l’attention constante à porter aux sprints intermédiaires. Que ce soit en tête de course ou pour se ruer sur les points encore en jeu après le passage d’une échappée, l’Italien a tout simplement battu ses contradicteurs dans 100 % des cas sur ces échéances en cours d’étape.
Le géant vert avait surtout comme objectif de lever les bras sur le Tour de France, après avoir déjà inscrit 4 étapes du Giro à son palmarès. Exclu des débats sur un coup de bordure précédant l’arrivée à Lille, il a d’abord connu la deuxième place à Dunkerque avant de savourer la consécration à Laval et de façon encore plus héroïque sous la pluie de Valence. Deux victoires d’étapes et le maillot vert à Paris récompensent un tour presque parfait pour l’un des « néos » qui ont marqué l’édition 2025. Pour autant, les explications musclées n’ont pas réussi à réellement départager les deux meilleurs sprinteurs du moment. Tim Merlier et Jonathan Milan se quittent avec chacun deux victoires. Surtout, lors des deux seules lignes droites où ils ont été confrontés, le champion d’Europe a devancé l’Italien.
Maillot à pois : des souvenirs et des regrets pour Martinez
C’est d’abord en s’illustrant sur des sommets perchés à 179 m et 111 m d’altitude que Tadej Pogacar a pris la tête du classement des grimpeurs (ét.2), et enfilé le maillot à pois qu’il n’avait jusqu’alors porté qu’une seule fois en course, bien qu’il ait déjà remporté à deux reprises ce classement (2020-21). La tenue est ensuite passée sur les épaules de son coéquipier Tim Wellens, qui a pris ses habitudes avec les pois, jusqu’à ce que Lenny Martinez se décide à lancer sa chasse aux pois, en route vers le Mont-Dore. Concentré sur le sujet mais trop irrégulier pour faire le plein sur des étapes où une meilleure récolte aurait été nécessaire, le petit-fils de Mariano Martinez a surtout eu le privilège de passer en tête au col du Tourmalet vêtu de ce costume si spécial qui fêtait ses 50 ans sur le Tour.
Pour faire face à la déferlante de Tadej Pogacar et dans une moindre mesure de Jonas Vingegaard, il aurait fallu à Martinez les jambes et l’inspiration de Thymen Arensman, afin de marquer des points sur les sommets les plus richement dotés. Au final, Martinez termine sur la troisième marche du classement des grimpeurs avec 22 points de retard sur Pogacar, dont 8 perdus sur une sanction certainement évitable avec un brin de maturité supplémentaire.
Maillot blanc : Onley en embuscade
Pour célébrer ses 50 ans en tant que récompense du classement des jeunes, le maillot blanc a pleinement rempli sa fonction de détecteur de talents. Si Remco Evenepoel partait favori à sa propre succession, c’est le sens de la course de Kévin Vauquelin, sorti sans encombre du piège de la bordure à Lille, qui lui a permis de voyager en blanc jusqu’à son Calvados natal. Le Belge a retrouvé sa peau de l’été 2024 au soir du chrono de Caen, mais son éclipse lors de l’étape de Superbagnères a laissé place au duel entre Florian Lipowitz et Oscar Onley. L’ancien biathlète a su mettre à distance le coureur de Picnic PostNL, qui termine son Tour à 1’12’’.
Le jeune Ecossais peut toujours regarder l’avenir en blanc, puisque l’année prochaine, ni Evenepoel, ni Lipowitz, Ni Skjelmose, ni Healy ne seront encore en lice dans la catégorie des moins de 25 ans.
Prix de la combativité : Healy, évidemment
Les chasseurs d’étapes et baroudeurs en tous genres ont su se présenter à leur avantage, tout simplement en laissant parler leur tempérament, pour être distingués par le jury du prix de la combativité. Si Lenny Martinez l’a reçu à deux reprises tout comme Matteo Vercher et Bruno Armirail, c’est l’animateur le plus omniprésent sur la durée qui a logiquement reçu le titre de Supercombatif du Tour 2025. Vainqueur d’étape à Vire Normandie, 2e au Mont Ventoux, Ben Healy a été récompensé trois fois en cours de route avant de rafler tous les suffrages pour gagner sa place sur le podium parisien.
21 étapes : le festival belge
Le clan belge est passé par toutes les émotions sur le Tour 2025, mais les abandons douloureux de Jasper Philipsen puis de Remco Evenepoel sont au moins intervenus après que l’un et l’autre aient trouvé le chemin du succès. Surtout, ils ont continué à se montrer dominateurs sur les sprints grâce à Tim Merlier, deux fois le plus rapide mais en réalité invaincu sur tous les combats qu’il a pu disputer. Et la razzia s’est poursuivie avec le concours de Tim Wellens (vêtu de l’uniforme noir-jaune-rouge, de plus une veille de fête nationale !), puis avec le show monumental de Wout van Aert de la rue Lepic aux Champs-Elysées. Au total, cinq vainqueurs belges différents sur le Tour, ce n’était plus arrivé depuis 1986. Et pour parfaire le tableau, c’est aussi d’une formation belge, Soudal-Quick Step, qu’est venu le salut de la délégation française, avec le superbe bouquet de Valentin Paret-Peintre cueilli au sommet du Mont Ventoux.
Parmi les nations qui ont refait leur apparition au palmarès après une longue absence, Milan a mis fin pour l’Italie à une disette qui s’éternisait depuis 2019 (V.Nibali, Hautacam) ; et les Norvégiens n’avaient plus triomphé depuis A.Kristoff (Nice, 2020) avant de voir débouler Jonas Abrahamsen sur la ligne d’arrivée de Toulouse ; tout comme les Irlandais qui se souvenaient des deux succès de S.Bennett (Ile de Ré et Paris-Champs-Elysées, 2020) et ont à nouveau vibré avec Ben Healy.
Classement par équipes : le collectif Visma-Lease a Bike au rendez-vous
La satisfaction a été de courte durée pour Groupama-FDJ, qui a été la première formation française en tête du classement par équipes depuis la victoire d’AG2R-La Mondiale en 2014. Car dès la quatrième étape à Rouen, les Visma-Lease a Bike ont pris la tête de la hiérarchie collective pour ne plus la quitter jusqu’à Paris. Les performances de Jonas Vingegaard ont servi de socle à ce succès, mais il a beaucoup été aidé par Matteo Jorgenson, le troisième ayant aussi souvent été Victor Campenaerts. L’échappée victorieuse de Simon Yates au Mont-Dore a joué un rôle dans ce succès, ainsi que le remarquable chrono d’Edoardo Affini à Caen (3e). La formation néerlandaise s’impose avec 24’26’’ d’avance sur UAE Emirates XRG, victorieuse l’année dernière. Dans la longue histoire de cette équipe apparue sur le Tour en 1984, il s’agit de sa deuxième victoire dans ce classement après 2023.