La ligne d’arrivée de la 111e édition sera tracée sur la place Massena à Nice, à quelques coups de pédales de la Promenade des Anglais, et pour la première fois loin des bases parisiennes du Tour de France. Mais avant de connaître ce grand déménagement, l’arrivée de la Grande Boucle avait déjà un peu voyagé dans la capitale et marqué l’histoire de plusieurs lieux. En quatre épisodes, letour.fr revient sur le contexte et les grandes heures des arrivées à Ville d’Avray, au Parc des Princes, au vélodrome de la Cipale et depuis 1975 sur les Champs-Elysées.
Pour la première arrivée du Tour de France, le choix le plus évident des organisateurs aurait été le vélodrome du Parc des Princes, dont Henri Desgrange était également le directeur. Mais c’est une grosse tracasserie d’ordre administratif qui a eu raison des plans du patron. Le préfet de la Seine, Louis Lépine, ayant interdit les courses cyclistes dans le territoire de la capitale pour ne pas perturber la circulation, on pense un temps à organiser l’arrivée de l’étape à Versailles... avec un refus équivalent des autorités. Après réflexion, la commune de Ville d’Avray, toute proche des limites ouest de Paris, se distingue comme la meilleure solution de repli, le peloton s’élançant ce jour-là de Nantes au beau milieu de la nuit pour une étape de 471 kilomètres, la plus longue des six au programme.
Un ordonnancement particulier a été préparé pour accueillir les 21 rescapés de cette première Grande Boucle. La ligne d’arrivée, celle où l’on stoppe le chronomètre, est tracée comme tous les jours devant un restaurant, qui s’appelle ici le « Père Vélo » mais que l’on rebaptise le « Père Auto » pour coller avec le titre du journal organisateur. Maurice Garin a largement fait la différence sur les 2000 premiers kilomètres de course mais entend bien conclure son festival par un nouveau succès. C’est bien lui qui arrive en tête après plus de dix-huit heures de selle, devant une foule qui s’est pressée en nombre pour l’événement, au point que l’agitation provoque sur un choc avec un spectateur la chute de Jean Fischer, pourtant bien parti pour s’imposer. L’engouement constaté est décrit sans retenue dans L’Auto du lendemain : « Et à chaque seconde le flot montait, la masse des spectateurs devenait plus compacte. Il y avait du monde partout, aux fenêtres, sur les toits, dans les arbres, à bicyclette, en voiture, à cheval, à pied, jamais il ne fut donné de voir un pareil enthousiasme ».
La victoire est immédiatement célébrée par une dégustation de champagne, mais les héros enfourchent tout aussi rapidement leurs montures pour rejoindre, cette fois-ci en parade, le Parc des Princes où ils reçoivent l’ovation de 15 000 spectateurs.
Une arrivée secrète, kezako ?
En 1904, sur un schéma identique mais dans une ambiance ternie par les affaires de triches et de compromissions supposées qui menacent même l’avenir du Tour, c’est à nouveau Maurice Garin qui s’impose, avant que les instances ne déclassent les quatre premiers et attribuent la victoire à Henri Cornet, qui reste le plus jeune vainqueur à ce jour (19 ans). L’année suivante, le Tour de France se dispute dans une atmosphère beaucoup plus apaisée, mais l’on redoute tout de même d’éventuels débordements. Le contrôle final doit toujours être positionné à l’extérieur de la capitale mais cette fois-ci, on invente un nouveau concept : l’arrivée secrète !
En quittant Caen dans la matinée, ni Louis Trousselier qui domine le classement général, ni les autres coureurs, n’ont connaissance du lieu où sera jugée l’arrivée, et encore moins le public. Le journal L’Auto du lendemain dévoile a posteriori les coulisses de cette préparation : « C’est entre Orgeval et Ecquevilly, à l’auberge ‘’A la Maison Blanche’’ que nous nous étions installés dès dix heures du matin, et là nous avons vu défiler sur la route de Quarante Sous tout ce que Paris compte de sportsmen militants, cherchant les contrôleurs chargés d’assurer l’arrivée secrète. Il faut croire que le secret avait été bien gardé puisque, en dehors des intéressés, personne ne sut découvrir le juge à l’arrivée et son drapeau ».
Dans le peloton, les coureurs se doutent à l’approche de Paris que le dénouement est proche. Mais ce n’est qu’un kilomètre avant la ligne qu’ils sont informés de son emplacement exact, par un simple écriteau affichant « Encore 1 kilomètre ». Un drapeau vert sorti au dernier moment signale également l’entrée dans ce sprint final et c’est un drapeau rouge qui est agité sur le point précis de l’arrivée. Une explication musclée met aux prises Lucien Petit-Breton et Jean-Baptiste Dortignacq, ce dernier remportant pour une demi-roue sa troisième étape sur l’édition 1906. Pour le spectacle et pour la gloire, c’est un autre « kilomètre » qui est organisé sur le vélodrome, que les coureurs rejoignent en neutralisation. Mais c’est surtout pour le tour d’honneur des héros que le tout-Paris s’est pressé au Parc. Le grand vainqueur Louis Trousselier ne compte pas s’attarder pour autant : « Bien oui, j’ai gagné. Maintenant, laissez-moi aller me laver ».
L’édition 1906 voit à nouveau le scénario d’une arrivée réelle à Ville d’Avray, suivie d’un trajet en convoi puis d’une grande cérémonie de remise de bouquet en l’honneur du vainqueur René Pottier au Parc des Princes. Par la suite, la commune des Hauts-de-Seine s’est très souvent retrouvée sur le parcours de la dernière étape quelques minutes avant l’entrée dans Paris. Elle a surtout fait son retour pour l’édition du centenaire en 2003, comme dernière ville départ de l’étape remportée sur les Champs-Elysées par Jean-Patrick Nazon.
