La vie en Jaune

1919. Meurtrie par des années de conflit, de destructions et de privations, la France se relève. Elle rêve de renaissance. Le 28 juin, les ennemis d’hier signent le traité de Versailles appelé à définir des relations apaisées entre les États d’Europe et du monde. Le jour d’après, à Paris, un peloton d’une soixantaine de coureurs se prépare, au coeur de la nuit, à prendre le départ du Tour de France resté en sommeil pendant la Grande Guerre. Henri Desgrange, patron de la course et patriote, table sur la vitalité des cyclistes qu’il a réunis pour apporter leur part d’enthousiasme dans le travail de reconstruction. Il nous plaît à penser que, dans cette grisaille, l’inspiration qui l’a décidé à remettre un Maillot Jaune au leader du classement général avait également valeur d’invitation : par sa flamboyance, cet habit de lumière a vocation à guider tel un phare ceux qui veulent le suivre sur le chemin du succès. Il nous plaît aussi à voir en Eugène Christophe, son premier porteur au matin de l’étape Grenoble-Genève, le 19 juillet 1919, le dépositaire des valeurs qu’il véhicule. Un champion de l’abnégation au service de l’exploit.

Un siècle plus tard, le Maillot Jaune a multiplié les rencontres : 266 cyclistes l’ont endossé dont des champions de légende, des invités surprise, parfois aussi des leaders décevants qui n’ont pas toujours estimé nécessaire de le respecter. Car, plus que tout autre trophée, le Maillot Jaune vit et s’expose aussi à des tourments. Sur son parcours parfois heurté, il a connu son compagnon le plus régulier en 1969, il y aura bientôt 50 ans : Eddy Merckx. « Je me trouvais très beau avec le Maillot Jaune », se souvient presque tendrement le plus grand cycliste de tous les temps. Pour cet anniversaire pas comme les autres, il était naturel et même évident d’honorer l’un comme l’autre. En démarrant son feuilleton à Bruxelles, chez Eddy, l’édition 2019 du Tour se trouve placée sous le sceau de l’excellence. C’est à ce niveau que, nous l’espérons, se joueront les débats entre les prétendants à ce singulier Maillot Jaune. L’altimètre sera mis à contribution dès les reliefs vosgiens et dans le Massif central… il vacillera des Pyrénées aux Alpes, avec trois arrivées perchées au-delà des 2 000 mètres d’altitude : au Tourmalet, à Tignes et enfin à Val Thorens la veille de l’arrivée à Paris. Une première sur une même édition du Tour ! Un festival des cimes où l’on rêvera et où l’on vivra en jaune.

CHRISTIAN PRUDHOMME
Directeur du Tour de France

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